Dans la perspective de l'élection présidentielle de 2002 et compte tenu :
- du calendrier électoral de l'année 2002 qui verra en principe l'élection présidentielle succéder immédiatement aux élections législatives ;
- et des évolutions législatives et jurisprudentielles intervenues depuis l'élection des 23 avril et 7 mai 1995,
le Conseil constitutionnel chargé, en application de l'article 58 de la Constitution, de veiller à la régularité de l'élection du Président de la République, formule les observations suivantes qui complètent ou remplacent, en tant que de besoin, celles qu'il avait présentées en 1995 (JO du 15 décembre 1995).
I. - En ce qui concerne la date des deux scrutins
Pour des raisons de principe autant que pour des motifs pratiques, il importe que les citoyens habilités à présenter les candidats en application de l'article 3 de la loi no 62-1292 du 6 novembre 1962 puissent le faire après avoir pris connaissance des résultats de l'élection à l'Assemblée nationale. Le deuxième tour de cette élection devrait donc avoir eu lieu lorsque s'ouvrira la période de recueil des présentations par le Conseil constitutionnel.
II. - En ce qui concerne les mesures d'organisation
des opérations électorales
En vertu des dispositions combinées de l'article 58 de la Constitution et de l'article 3-III de la loi du 6 novembre 1962, le Conseil constitutionnel doit être consulté par le Gouvernement sur l'organisation des opérations de l'élection présidentielle et être avisé sans délai de toute mesure prise à ce sujet.
Le Conseil constitutionnel doit être ainsi consulté sur toutes les prescriptions de portée générale relatives aux opérations électorales, y compris celles formulées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel en application de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication.
Lorsqu'est consultée une autre instance, telle la Commission nationale de contrôle, le Conseil constitutionnel souhaite, comme il l'avait indiqué en 1995, que cette consultation intervienne préalablement à sa propre saisine.
III. - En ce qui concerne la présentation des candidats
1o Département de rattachement du présentateur
Aux termes de l'article 3-I de la loi précitée du 6 novembre 1962 : « Une candidature ne peut être retenue que si, parmi les signataires de la présentation, figurent des élus d'au moins trente départements ou territoires d'outre-mer, sans que plus d'un dixième d'entre eux puissent être des élus d'un même département ou territoire d'outre-mer. »
Il convient de fixer, pour les membres des conseils régionaux élus dans le cadre de la circonscription régionale en vertu de la loi no 99-36 du 19 janvier 1999, ainsi que pour les membres de l'Assemblée de Corse, un critère objectif de rattachement à un département, qui pourrait être celui au titre duquel ils participent à l'élection des sénateurs en application des articles L. 293-1 et L. 293-2 du code électoral.
2o Qualité du présentateur
L'article 3-I de la loi du 6 novembre 1962 énumère les qualités dont doivent se prévaloir les citoyens habilités à présenter un candidat.
Pour éviter d'avoir à choisir entre plusieurs qualités, le Conseil constitutionnel souhaite, comme en 1995, que le décret du 14 mars 1964 précise que le présentateur indique lui-même cette qualité et n'en fasse figurer aucune autre sur le formulaire de présentation.
3o Données relatives aux présentateurs potentiels
Les données relatives aux élus habilités à présenter les candidats doivent faire l'objet, de la part des administrations compétentes, d'une mise à jour régulière.
4o Certification des présentations
L'article 3-1 du décret de 1964 prévoit que la signature apposée sur le formulaire de présentation doit être certifiée par un membre du bureau lorsqu'elle émane d'un membre d'une assemblée ou d'un conseil énumérés au deuxième alinéa du I de l'article 3 de la loi précitée du 6 novembre 1962. L'article 3-2 du même décret dispose que le Conseil constitutionnel fait procéder à toute vérification qu'il juge utile.
Les opérations de vérification des certifications sont d'une complexité sans commune mesure avec l'intérêt de la certification, par ailleurs ressentie par beaucoup de présentateurs comme une complication ou une indiscrétion.
Le Conseil constitutionnel se prononce en conséquence pour la suppression de l'obligation de certification.
En contrepartie, il souhaite que la présentation soit revêtue de la signature manuscrite de son auteur et que le formulaire de présentation soit conçu de façon à faciliter les opérations de vérification.
IV. - En ce qui concerne le déroulement
de la campagne électorale
1o Compétence de la Commission nationale de contrôle
de la campagne électorale
Pour les motifs exposés dans les observations relatives à l'élection présidentielle de 1995, la commission nationale devrait être installée aussitôt après la publication du décret fixant l'envoi des formulaires aux élus habilités par la loi à présenter un candidat.
2o Durée de la campagne officielle radiodiffusée et télévisée
Aux termes de l'article 12 du décret du 14 mars 1964 : « Chaque candidat dispose dans les programmes des sociétés nationales de programmes, au premier tour de scrutin, de deux heures d'émission télévisée et de deux heures d'émission radiodiffusée. » La faculté est donnée au Conseil supérieur de l'audiovisuel de réduire cette durée « compte tenu du nombre de candidats ».
Des considérations techniques ont conduit jusqu'ici à une réduction de cette durée.
Aussi le Conseil supérieur de l'audiovisuel devrait-il pouvoir fixer la durée des émissions télévisées et radiodiffusées sans qu'aucune autre condition ne soit posée par le décret qu'une durée minimale d'émission.
3o Participation à la campagne de personnes autres que les candidats et les représentants des partis et groupements politiques
L'article 12 du décret du 14 mars 1964 impose également l'utilisation personnelle par les candidats des heures d'émission sous la seule réserve d'une participation, à la demande de ceux-ci, des partis ou groupements politiques dont l'action s'étend à la généralité du territoire national, habilités à cette fin par la Commission nationale de contrôle.
Comme le Conseil constitutionnel l'avait proposé en 1995, et conformément aux voeux des candidats, cette restriction devrait être abandonnée afin que puisse participer à la campagne, sous le contrôle de la Commission nationale de contrôle, toute personne désignée par le candidat.
V. - En ce qui concerne les comptes de campagne
1o Conséquences de l'introduction de la monnaie unique
Les conséquences de cette introduction sur la présentation des comptes de campagne et des documents annexes devraient être tirées par les textes.
Ainsi, en vertu du troisième alinéa de l'article 3-III de la loi du 6 novembre 1962, les comptes de campagne des candidats sont adressés au Conseil constitutionnel dans les deux mois qui suivent l'élection. En raison de cette date, les comptes de campagne semblent devoir être libellés en euros.
Il conviendra par ailleurs de préciser dans quelle monnaie devront être libellés les documents établis avant la date définitive de passage à l'euro.
2o Suppression des références aux personnes morales
autres que les partis
Le deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral prohibe les dons consentis par des personnes morales autres que les partis et groupements politiques. Il y a donc lieu de supprimer, par mesure de coordination, les références à de tels dons qui subsistent dans le décret du 14 mars 1964.
3o Inscription au compte de campagne des frais
d'expertise comptable
En vertu du deuxième alinéa de l'article L. 52-12, les comptes de campagne des candidats doivent être présentés par un membre de l'ordre des experts-comptables et des comptables agréés. L'omission de cette formalité substantielle entraîne le rejet du compte. Or le premier alinéa du même article dispose que le compte de campagne retrace « l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection ». En 1995, le Conseil constitutionnel a donc écarté les frais d'expertise comptable des dépenses pouvant figurer dans le compte.
Dès lors que le recours à leurs services constitue une obligation légale, il convient que soit expressément autorisée l'inscription au compte de campagne des honoraires des experts-comptables, de manière à en permettre le remboursement.
4o Recettes en espèces provenant de personnes physiques
Comme l'indiquent les observations formulées par le Conseil constitutionnel en 1995, il lui est très difficile de vérifier la provenance de ces recettes qui peuvent atteindre, s'agissant de l'élection présidentielle, des montants très élevés. Il importe surtout de pouvoir vérifier qu'il ne s'agit pas, en réalité, de dons consentis par des personnes morales prohibés par le deuxième alinéa du même article .
C'est la raison pour laquelle il apparaît opportun que soit précisée, par voie réglementaire, la nature des justificatifs de recettes prévus par l'article L. 52-12 du code électoral.
5o Prêts et avances consentis par les personnes physiques
Pour les motifs exposés dans les observations de 1995 du Conseil constitutionnel, les prêts et avances consentis par les personnes physiques devraient être prohibés. Il est en effet impossible de vérifier la réalité du remboursement de tels prêts.
6o Prêts et avances des groupements politiques
Pour des motifs analogues, il apparaît souhaitable de préciser que le montant des prêts et avances des partis et groupements politiques est soustrait du montant total des dépenses remboursables par l'Etat au candidat.
7o Prolongation du mandat du mandataire financier
et de la durée de vie de l'association de financement
Pour les motifs exposés dans ses observations de 1995, le Conseil constitutionnel émet le voeu que soit prolongée la durée prévue par les articles L. 52-5 et L. 52-6 du code électoral.
8o Modification de l'article L. 140 du livre
des procédures fiscales
Le Conseil constitutionnel souhaite que les agents des impôts soient déliés du secret professionnel à l'égard de ses rapporteurs adjoints dans les conditions suggérées en 1995.
9o Transmission d'office par la Commission nationale de contrôle au Conseil constitutionnel des irrégularités portées à sa connaissance en matière de comptes de campagne
La Commission nationale de contrôle ne s'est pas estimée habilitée, en 1995, à transmettre au Conseil constitutionnel certaines irrégularités portées à sa connaissance, susceptibles d'affecter les comptes de campagne des candidats. Aussi est-il souhaitable que la Commission transmette d'office de telles informations au Conseil constitutionnel, juge des comptes de campagne.
10o Pouvoir d'appréciation du Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel souhaite, comme il l'avait indiqué en 1995, pouvoir apprécier la nature et la portée d'éventuelles méconnaissances de la législation applicable afin d'éviter qu'elles entraînent des effets disproportionnés, contraires à l'équité.
Adopté par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 22 juin 2000.